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Quand l’artiste peint l’artiste.

Portraits des « Monstres Sacrés » du théâtre français dans le derniers tiers du XIXe siècle.



fig. 1 : A. Mucha, La dame aux camélias, 1896, 208 x 77 cm, Affiche, Musée Carnavalet.

« Monstres sacrés ». Il est là une expression connue du public le plus averti en matière de théâtre. Aussi advient-il, pour la compréhension de tous, de m’être une explication sur ces mots. « Monstres » pour leurs extravagances, qui semble presque intrinsèque à la dernière

génération des célébrités du XIXe siècle et « Sacrés » par le culte qui leur fut rendu, ainsi sont définis les acteurs des planches parisiennes de la Belle Époque selon Jean Cocteau - si l’on en croit le dictionnaire Le Robert -. Mounet-Sully, Frédéric Fèbvre, Constant Coquelin ou encore Sarah Bernhardt, voici des noms qui résonnent encore aujourd’hui dans les esprits et qui évoquent à eux seuls les plus grands rôles, les plus grandes pièces, les plus grands auteurs, en soit, un art, une époque.


Il est vrai qu’au XIXe siècle, et particulièrement dans le dernier quart de celui-ci, le théâtre prit une place prépondérante dans le quotidien des parisiens, et bientôt dans celui des français par l’organisation de tournées en province et la création d’établissements dans toutes les grandes villes du pays. Cette passion frénétique du 6e art fut d’ailleurs définie par le terme de « Théâtromanie » dès la fin du XVIIIe siècle, pour atteindre une apogée à la Belle Époque. Cette mutation peut s’expliquer par de multiples raisons.


Tout d’abord l’accessibilité des théâtres à un public de plus en plus large, conséquence de l’implantation de nouveaux lieux abordables et proposant des spectacles aux genres nouveaux, plus appréciés du grand public, comme le vaudeville. A cela s’ajoute l’aptitude du théâtre à utiliser tous les arts, la musique, l’architecture, les costumes et les décors, en faisant l'« art

fig. 2 : N. Mignard, Molière dans le rôle de César dans La mort de César, vers 1650, 75 x 60 cm, Huile sur toile, Comédie-Française.

par excellence ». Dans ce Paris du XIXe siècle, la culture du spectacle s’affirme, de même que le vedettariat théâtral, amenant des notions encore actuelles comme le terme d’icône, de vedettes et de star. Le comédien devient héros national à l’égal des écrivains ou des philosophes, et ce parfois dans le monde entier, à l’image de Sarah Bernhardt ou encore Rachel qui triomphèrent outre Atlantique et dont la réussite parvint en France par une médiatisation promotionnelle sans précédent. Affiches, slogans, publicités et stratégies marketing en tous genres, la fin du XIXe siècle est manifestement l’air de la médiatisation pour les célébrités. C’est d’ailleurs cette médiatisation qui donna aux comédiens leurs qualificatifs, eux dont les noms furent écrits « en vedette » sur les affiches (fig. 1). Ces représentations furent assurément un des fondements de l’art théâtral que l’on retrouve aujourd’hui dans tous les arts populaires. Ces représentations, aussi nombreuses et diversifiées soient-elles, semblent pourtant encore aujourd’hui ne pas avoir subi d’études approfondies. Une vérité qui s’avère d’autant plus visible du point de vue des portraits des comédiens, qui sont pourtant parfois de véritables trésors, précieusement conservés dans les grandes institutions françaises du théâtre, à l’image de la Comédie-Française qui expose, conserve et restaure d’innombrables chef-d’œuvres depuis le XVIIe siècle, dont l’un des exemples les plus probants reste sans nul doute le Molière dans le rôle de César dans La Mort de Pompée attribué à Nicolas Mignard (fig. 2).


De grandes œuvres réalisées par les plus grands artistes d’une époque, d’un mouvement, ou de simples portraits peints par des figures quasi inconnues, il paraît intéressant d’analyser de manière approfondie ces représentations, leurs redondances et dissonances, leurs éventuels schémas et iconographies. Il semble en effet apparaître une vaste tradition, déjà présente durant les siècles précédents le XIXe siècle, visant à peindre les artistes dans leurs plus grands rôles et costumes, dans leurs loges ou encore en buste, de manière simple, comme le montre parfaitement la collection Edouard Pasteur, léguée en 1914 par le banquier parisien au Musée Carnavalet (fig. 3 & 4). Cette collection prendra d’ailleurs une place primordiale dans cette recherche, elle qui n’avait jusque là connue que peu de reconnaissance, et ce malgré sa volonté de garder trace sur toile de tous les comédiens de la Comédie-Française dans les dernières années du siècle, peu importe leur popularité, et sous le pinceau de nombreux artistes plus ou moins reconnus eux aussi. Ces portraits permettent de mettre en évidence plusieurs problématiques intrinsèques à ce genre pictural, notamment leur finalité, leur but, ont-ils une volonté mémorielle ? Peut-être propagandiste ? Que cela soit pour promouvoir l’acteur ou la pièce qu’il présente. Ils posent également la question du destinataire. Est-il privé ? Est-il public ? Sont-ils réalisés pour les comédiens qui posent, pour l’édifice culturel dans lequel ils évoluent ou encore pour être diffusés ? Autant de questions auxquelles il advient de répondre, plus par hypothèse que par affirmation, afin de comprendre ces œuvres de la fin du siècle mais également toutes celles qui furent réalisées, de manière plus ou moins similaires, plusieurs siècles

auparavant.

Fig. 3 (à gauche): Fig. 3 : T. Chartran, Portrait de Suzanne Reichenberg, 1883, 29 x 23 cm, Huile sur toile, Musée Carnavalet. Fig. 4 (à droite): L. Abbéma, Portrait de Blanche Baretta, 1883, Huile sur toile, Musée Carnavalet

Cette étude se veut en effet la plus complète possible malgré les limites chronologiques énoncées dans le titre, évoquant les prémices de ce genre, de cette iconographie, de même

fig. 5 : Atelier Nadar, Portrait de Suzanne Reichenberg, actrice de théâtre, entre 1878 et 1890, 9.3 x 6 cm, Photographie, Musée Carnavalet

que sa postérité, grandement impactée par l’apparition et la future prépondérance de la photographie déjà à la fin du XIXe siècle, par des portraits comme ceux de Nadar, pour ne citer que le plus connu (fig. 5).



Mettre en avant cette histoire de la représentation du comédien est un travail de longue halène qui ne commence ni ne s’arrêtera à cette étude, qui espère néanmoins provoquer la parution d’articles ou même de publications plus conséquentes sur le sujet, qui ne dispose jusque là que de très rares ouvrages sur des sujets annexes à ce sujet principal. Une constatation d’autant plus regrettable que quelques colloques, ou expositions, furent réalisés sur le sujet dans les deux dernières décennies. Seul le temps nous dira si la recherche dans ce domaine évoluera vers la reconnaissance qu’elle mérite.



 

œuvres en couverture (de gauche à droite) :

Louise Abbéma, Portrait de Sarah Bernhardt dans le rôle de Marie de Neubourg dans "Ruy Blas", vers 1883, Huile sur toile, Musée Carnavalet

Daniel Bérard, Portrait d'Henri Maubant dans le rôle d'Auguste dans "Cinna", Vers 1883, 27 x 21.7cm, Huile sur toile, Musée Carnavalet

Théobald Chartran, Portrait de Mounet-Sully, vers 1885, 27 x 21.6 cm, Huile sur toile, Musée Carnavalet.


Claire ROCHEREUX.

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